electrobel
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Forum : Socialize : SHORT STORIES

delkat [be]
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Marquée par une pellicule bleue fuchsia auréolante, la lumière vibrait, secouée, emmêlée, passant du rouge organique à l’orage de cendres.



La matière et ses pigments empoisonnés portaient les souvenirs érodés de sombres passions éphémères, tels les traces d’un serpent dans le sable.



Allongé, lentement recouvert par l’encre de chine qui remplissait déjà ses poumons, il luttait sans plus vraiment y croire, ses rêves l’asphyxiant, sa chair le brulant tendrement tandis qu’une pluie hurlante lui perçait les tympans.



Le contact métallique de l’air mêlé à l’eau, la douce morsure statique des éléments formant des sons gluants, presque obscènes, exerçaient à chaque dépression de son thorax des vagues difformes dans un lac sans fond.



Et il s’y enfonçait, tête la première. Il allait, sans le savoir, dans l’unique sens des mirages, fonçant hors de portée dans un destin en béton armé. De toute part il semblait cerné d’un bleu rouge ouateux, des cris incandescent martelait l’intérieur de son crâne en ruine.



C’était le lendemain matin d’un interminable hiver monochrome où un soleil fatigué se levait sur un ciel gris et sale de nuages jaune nicotine. Un vent sec arrachait de ses crocs noirs les dernières poussières sanglantes, effaçant peu à peu l’empreinte de l’ultime cataclysme. Il se dressa à moitié hors du chaos, chancelant, et entreprit lentement d’ouvrir les paupières. Le monde ondulait disgracieusement à chacune de ses respirations. Sa chaire hachée menue peinait à contenir l’ensemble de ses organes vitaux. Il se tenait, fébrilement, prisonnier d’une sorte de main divine au phalanges d’acier, balancé aux grés des rafales, les os broyés par des frissons électriques.



Son esprit décimé divaguait à travers des champs de mauvaises herbes aux racines vertes et compactes disséminées dans les nombreux méandres de son cortex.



Il avait fui, inconscient. Les rires innocents, glacés dans le temps, perdus, résonneraient jusqu’au larsen. Il avait laissé s’étancher sa rage, tendrement, mais le gout du fruit pourri s’imprégnait en lui, le submergeait, pénétrant son âme, jusqu’à ce qu’il devienne lui-même cette masse fétide et repoussante.



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La petite boite en plastique orange vif, posée sagement sur la commode, le fixait d’un regard lugubre. Elle lui rappelait ses 29 dernières années, ricanant de le voir si facilement se fracturer.



Dans un silence blanc, il revit furtivement sa vie se faire tailler au scalpel, tel un arc-en-ciel cathodique. Distillées goutte à goutte, les images vécues en 16 :9 se projetaient hors de lui tapissant les murs de larmes euphoriques dont il lui restait au trois-quarts qu’un gout amer d’iso Bétadine . Il était piégé sur la toile vaseuse d’une mer de regrets et d’ombres. Enfermés dans du plomb fuyant sept à sept les miroirs, il s’enlisait lâchement, le cœur en pièces tachées d’amertume.



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A 05h56 il alluma la radio d’un geste las, se dirigea ensuite machinalement vers la cuisine et entreprit de se faire un café tandis que les basses fréquences originaires de Bristol ronflaient lourdement dans l’air du matin. Le jour perçait à travers les vieux rideaux de velours baignant la pièce d’une demi clarté blême. Il se brula les lèvres à la première gorgée, avala avec avidité une deuxième, jeta un bref regard inquiet sur le cadran digital de sa montre et vida sa tasse d’un trait pressé, n’accordant aucun répit à son estomac en berne.



06h05, la porte en aluminium claqua derrière lui. Ses pieds buttèrent sur le pavé irrégulier, il trébucha presque alors que dans ses oreilles résonnait encore les rythmes syncopés dans lesquels il avait tenté d’enfuir sa mauvaise humeur matinale. Il enfila l’étroite ruelle fantomatique, fouilla nerveusement au fond de ses poches et en sortit ses clés de voiture.

A 06h09, la porte du break claqua à son tour, coupant dans son élan les sons gémissements d’une nouvelle aube agonisante. Il ferma les yeux un court instant dans l’espoir d’emprisonner le délicat silence qui l’entourait. La machine à rêves se mit à tourner, il se vit s’envoler rejoindre ses peurs au cœur du vide.



Un étincelle jaillit et le moteur Diesel toussa. Il divaguait, les yeux sur la route, le regard plongé dans ses doutes. Sa vie, la vie, sa famille… L’instinct de survie, s’obstinait, finissait par obtenir de lui ce que lui fuyait. Il avait pactisé sans ciller, signé et contresigné l’acte. Son épiderme à jamais marquée serait l’ombre qui n’aurait de cesse de le lui rappeler. Sa rétine, vulgaire témoin morte en chemin était désormais aveugle.



Il actionna les essuie-glaces.



La pluie tombait en fine gouttes collantes qui s’accrochaient en vain au pare-brise, s’étalant de tout leur long, elles formaient d’hypnotiques arabesques visqueuses avant d’être balayées d’un coup.



Il s’était retrouvé sans trop savoir comment devant un écran en train d’empiler des chiffres et de coller des lettres. Des listes de noms décousus oscillaient face à lui formant une nuée verbale désordonnée. L’assemblage de composants électroniques crépitait sous le pianotement automatique de ses doigts. Le manège binaire tournait à plein régime en orbite autour de ces cinq sens. Son système nerveux entier tressaillait en réponse aux impulsions parasites des circuits imprimés.



Naturellement, il en était venu au fil des ans à se fabriquer une arrière salle parallèle, dépressurisée, faites de cloisons capitonnées et à l’abri dans un repli chiffonné de son encéphale. Un monde et plusieurs vies déployaient leurs ébats fougueux coincés dans un espace stérilisé. Parfois il ouvrait une porte microscopique dans une des parois et laissait entrer l’un ou l’autre souvenir entre rêvé. Des images poisseuses prenaient refuge au-delà de sa conscience, là où lui seul pouvait vagabonder sans heurt. Il souffrait de toutes sortes de rires, cristallins et feutré, lovés en croches, appuyés sur les coudes, serrés les uns sur les autres, allongés dans l’herbe bleue. Déjà la douleur le piquait comme le reflet du sourire silencieux d’un trèfle à 8 feuilles piétiné par un énorme sabot dont il était la jambe.



Il ouvrit une autre porte.



La sonnerie du téléphone l’arracha de sa torpeur. On lui demanda poliment de ne plus s’évader pour l’instant car d’importantes choses en plastique devaient d’urgence traverser les airs. Il s’octroya donc une pause à base d’acide gastrique en poudre et redescendit de son nuage volcanique. Il s’organisa, se connectant aux autres organismes de cette autre boite, attendant avec hâte l’instant où il pourrait à nouveau rejoindre la tempête de vase fossile qui rageait dans ses veines. Chacune de ses actions lui donnait la désagréable sensation d’être un pantin fébrile, un funambule balancé au bord du vide. Il remuait les lèvres et articulait des sons confus, gesticulait dans les cinq sens, comme projeté hors de son corps, il voyait le décor doucement changer et les parfums magnétiques emplir lentement l’horizon. Il se sentait comme couvert d’épines, les pointes tournées vers l’intérieur. L’air vicié l’asphyxiait et une chaleur étouffante frappait ses tempes. L’atmosphère se désagrégeait, défonçant les murs derrière lesquelles il s’était cru à l’abris.



L’absolu se superposa au réel formant un cul de sac sombre et sec. Son inconscient, broyé par les canines d’un molosse enragé, se noya dans l’arroyo de ses larmes.



Il décrocha à nouveau. Le temps, débridé, se complexifia et en un battement de cils cristallin il comprit qu’il ne connaitrait plus d’ailleurs.



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La trotteuse déglinguée de la vieille horloge chinée un dimanche sur la brocante, hoquetait irrégulièrement derrière lui, avalant sans logique aucune les secondes comme les minutes. Le reflet des images que diffusaient le poste de télévision tremblait sur les verres poussiéreux de ses lunettes. Il se leva lentement, coupa d’une main le son du téléviseur et de l’autre reposa le paquet de pistaches sur la table basse. Il alla jusqu’à une petite étagère rouge cerise sur laquelle un tourne disque l’attendait sagement. Il parcourut de l’index les titres sur les vinyles écornés et porta son dévolu sur la pochette anonyme d’un disque qu’il n’avait jusque-là encore jamais écouté. Le diamant vint se loger au fond du premier sillon de la galette qui entamait sa lente rotation. Il fut agréablement surpris de reconnaître la voix de Janis Joplin alors qu’il se rasseyait dans le canapé. La Junkie dans une oreille et un œil fondu par les flashs lumineux il engloutit grassement une rasade d’un spiritueux au doux gout de cigare cubain. Confortablement enroulé dans une bulle de savon frelaté, il savourait sa demi léthargie, les talons dans le flou, la nuque lourde et les membres engourdit. Ses ports suintaient la solitude paisiblement contrôlée. Il bailla a s’en décrocher la mâchoire, sa vue se brouilla et il s’endormit profondément.

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Une pierre ricocha sur la surface en apparence si calme du petit lac jouxtant la maison. Les pins frissonnaient, dressant leurs épines contre le vent. Le bleu et le vert se disputaient le ciel tandis que sur terre la vie reprenait paresseusement sa lutte quotidienne. Il s’était écoulé d’interminables semaines de froid depuis qu’il était partit. Les mauvaises herbes avaient sauvagement envahies le carré de pelouse abandonné, dispersant leur semence par les racines.



Le regard vide, il fixait le paysage l’entourant, fasciné par tant de désordre si bien maîtrisé. Il avait l’impression de se sentir absolument seul et aussi minuscule que les milliards d’yeux qui s’agitaient autour de lui, certains même, le fixant, craintifs ou gourmands.



Ses pieds nus, baignant agréablement dans l’eau fraiche, disparaissaient et réapparaissaient à chaque léger ressac. Sa peau s’écumait, le souffle rauque, l’esprit engourdi, il flottait, noyé dans sa propre transparence.



Et soudainement, la maisonnette s’enflamma ainsi que la forêt qui l’abritait. D’outrageuses langues ardentes aux effluves de gasoil venait déjà lécher l’horizon et se rapprochaient rapidement de lui, cible résignée d’admiration.



Il silla mécaniquement des yeux et le calme naturel revint.



Les oiseaux piaillaient infatigablement, emplissant l’air de leurs chants joyeux. Les flammes avaient disparues sans bruit et il avait maintenant de l’eau jusqu’aux genoux. Il s’accroupit et posa ses paumes sur le fond en soulevant un peu de vase qu’il laissa ensuite filtrer entre ses doigts.



Au plus profond de sa chair, il était resté le même malgré tout, pire que jamais. Une boule de nerfs suintante, grasse d’indécision. Pourtant il se sentait à cet instant complétement différent, comme déconnecté de lui-même, presque en harmonie. La surface du lac, miroir rougit par sa rage, lui liquéfiait les sens, avides d’être épongés et plongés dans le néant.



Il avait bien vaguement tenté un jour de verbaliser, noir sur blanc, ses inquiétudes, de les simplifier en les cloisonnant dans des mots, mais chaque tentative avait été plombée d’échec. Il ne voulait pas vraiment savoir, se rendre compte de son insipide pleurnicherie à l’arrière-gout de soufre.



Une entaille dans le nerf optique, un miroitement doucement opaque, l’avaient tendrement ouvert de la gueule au pied.



Il était assoiffé. Sec comme l’air d’un climatiseur dérèglé.



Il avait croisé son regard au tournant d’une page blanche et les mirages de pierre derrières lesquels il s’était alors enfuit tombaient maintenant en poussière tandis que de fines bulles bleues sortaient, pétillantes, de ses narines.



YD 2012